Page 91 - Pere Anselme Chiasson: Conversation and a Family Album
ISSUE : Issue 56
Published by Ronald Caplan on 1991/1/1
(And we're just grateful that you were-- what would we call it?--wise enough, or moved enough, to collect the stories from your place before those older people were gone.) You see, I was already late. If I had been 20 years, 30 years before. See, when my grandfather was still living and my aunt was still living--so many things I would have learned from them. I remember stories that they were telling that had happened during the Deportation of the Acadians--special facts, you see. But, at the time I was young. I didn't remember the place, I didn't remember who they were. So I couldn't publish them. (Stories like what?) I know that they were talking of a boat full of Acadians that were escaping the English. And they were caught in a storm, and the boat was thrown on shore where it was a big cape of rocks. So the boat, it was destroyed by the waves--knocking on the rocks. The men cut the mast and made like a bridge from the boat to the cape. And they were passing the children, the women, on that mast. And they were telling me that one man--the boat was nearly all d6fait (ravaged, beat? en) --how do you say that in English?-- broken. He had no time to pass his wife The story about the following poem is told by Pere Anselme above. Une Tragedie Acadienne Autrefois • et il n'y a pas si longtemps • a Cheticamp, il n'y avait pas de television ni de radio. La vie sociale et familiale y 6tait beaucoup plus intense qu'aujourd'hui. Les jeunes gens et les jeunes filles se reunissaient les dimanches apres-midi et certains soirs dans une ou I'autre famille. lis s'amuse- aient a des jeux de societe, jouaient aux cartes et chantaient nos vieilles cantilenes. Les personnes plus agees se plaisaient aussi a jouer aux cartes. Pour certaines circonstances, k {'occasion des fetes ou de visites speciales, on aurait ete cherche un violoneux ou un dis- eur de contes. Chez nous, grand-pere et grand-mere Boudreau, les parents de ma mere, eloign's de quatre a cinq milles, 'taient nos visiteurs les plus importants. Quand ils venaient se promener chez nous, ils y demeu- raient plusieurs jours. Et chaque soir, notre maison se remplissait des personnes agees du voisinage. On jouait parfois aux cartes, ex- ceptionnellement on aurait ete chercher un conteur ou un violoneux. Mais le plus souvent, les soirees se passaient en conversations, dont le sujet regulier etait des plus interessants, des histoires de sorciers, de demons, de revenants et d'autres legendes, la vie de nos ance- tres, aussi des drames occasionnes par la Deportation des Acadiens. J'y ai pulse I'amour de I'histoire des Acadiens, de mes ancetres. Aus? si, a ma premiere ann'e de college, en 1927, a 17 ans, j'ai decide qu'un jour j'6crirais I'histoire des gens de Cheticamp. Et k partir de ce moment, j'ai recueilli de la documentation dans les archives, dans les livres et aupr6s des vieillards. Une histoire, entendue durant les veillees mentionn6es plus haut, m'avait beaucoup Impressionne. Malheureusement, k ce jeune dge, je n'avais pas la formation voulue ni rid6e de noter les donn6es qu'on voudrait tant avoir aujourd'hui, comme la date, I'endroit, le nom des victlmes. Au colldge, durant mon ann6e de Belles-Lettres, j'avais compos6 une po'sie qui ddcrit cette terrible tragedie. La voici: Une Scene Traglque Sur les bords du rivage en la belle Acadie, II est un cap de roc que les flots ont dress6 En un murtrfes abrupte, au profil h6riss6, Qui domine la mer et brave sa furie. Loin du charme serein qui rdgne aux alentours, Un souffle de ten-eur semble planer encore Sur cet endroit sinistre ou tout nous rem'nrrore Un drame assez navrant pour y pleurer toujours. C'6tait un soir d'automne. Un malheureux navire Rempli d'infortun6s victimes de Grand-Pr6, Se faufilait craintif, tremblant de rencontrer Les pirates sans foi du britannlque Empire. Et la mer et le ciel 6taient tristes et noirs. La consternation r'gnait sur les visages. Et quelques coups de vent sifflant dans les cordages Annongaient I'ouragan qu'on avait pu pr6voir. L'orage imp6tueux, augmentant de violence, Le bateau 'branl' menagait de sombrer Quand contournant le cap formant un grand rocher, Vers terre il dut pointer; c'6tait sa seule chance. Ses flancs tout d6chir6s battaient centre le roc. Ses membrures craquaient aux coups models des lames Et de chaque poitnne, un cri qui pergait I'ame Se melait dans le vent aux lourds fracas des chocs A toute extremite, la hache dut abattre Le grand mat pour en faire un miserable pont D'ou, mgme les plus testes, une sueur au front, Cralgnait d'etre jet?? dans i'abime saumdtre. Mais, d'hablles marlns, plelns d'lntr??pidit??, Pour dtre plus agile, ayant quitte leur blouse, Enlevaient dans leurs bras un enfant, une 6pouse, Et voulalent les passer sur ce pont agit??. SI plusieurs arrivalent, plusieurs 'talent victlmes, Et tombaient dans le gouffre, ou I'eau se rougissait Du sang de ces humains que le bateau pressalt Centre le roc affreux, les broyant dans I'abime. Mais le navire coulait et n'ayant que le temps De faire un seul voyage, un pdre voutut prendre Et sa fille et sa femme, essayant de les rendre Et malgr6 la raideur et les 6branlements. Apr6s trois pas k peine, il perdit I''quilibre, Et allongeant le bras afin de s'accrocher, D''chapper son Spouse, il ne put s'emp??cher.1 Jugez de sa douleur 6 vous dont le coeur vibre. Troubl6, d6sesp6re, I'oeil devenu hagard, II voulut se noyer lorsque son coeur de pdre Ne vit plus que la fille, en oublia la mdre. Pour se sauver de 1', blanchi comme un vieillard. O Lawrence et vous tous, auteurs de ces crimes, Au fond de vos tombeaux, 6 dormez-vous en paix? Etes-vous toujours sourds aux oris que vos mefaits Arrachaient de I'exil au coeur de vos victimes? 1. II s'agirait de Joseph Deveau, dit Dauphine. Po6sie compos'e par le Pdre Anselme Chiasson alors qu'il 6tait 6l6ve de Belles-Lettres, d'aprds un fait authentique que lui avait racont' son grand-pdre Lubin Chiasson de Cheticamp, N.-E.
Cape Breton's Magazine